LA SOURIS ET LE VENT

Conte du désert

C'était un désert silencieux, paisible, un désert sans faute, un désert sans rien, sans le moindre brin de buisson mortel, un désert. Il n'était que sable, il n'était que ciel. Et dans ce désert, avec la lumière, le sable, le ciel, il y avait le vent, et une souris.
Il y avait l'amour. L'amour est partout, surtout au désert où rien ne l'entrave, ni piège ni mur. L'amour avait fait son nid infini dans le cœur du vent et de la souris.

Au bord de son trou sans cesse elle disait :
- Vent, je veux te voir !
- M'aimes-tu, souris ?
- Tu m'emplis le cœur, la tête, le corps, mais tu vas, tu passes, tu n'es jamais là.
- Viens, que je te caresse ton ventre, ton dos, ton menu museau !
- Oh oui, je te sens, oh, tes mains, ton souffle! Oh tes yeux, dis-moi, comment sont tes yeux, de quelle couleur ? Ta bouche, ton front ? Te voir, vent, te voir !
Comment t'aimer bien sans jamais te voir ?

Un heureux matin (lumière tranquille, dunes alanguies), le vent répondit :
- Par amour pour toi je vais t'apparaître avec mes vraies mains, avec ma vraie bouche, ma poitrine nue, mes cheveux défaits, et tu me verras tel que Dieu m'a fait. Attends, je reviens.
Plus un souffle d'air. Silence, soleil, paix, sieste du sable. La souris, béate, attendit le vent.

Soudain, du lointain vint un sifflement, une nuée grise envahit la dune, un tourbillon fou vint au bord du trou, un géant poudreux se mit à hurler :
- Souris, me vois-tu ? Ma mère m'a dit que j'étais superbe. Regarde-moi donc ! Dis, suis-je beau ? Souris, mon aimée, réponds, où es-tu ? C'est moi maintenant qui ne te vois plus ! Tu sais, je peux être encore plus fort, encore plus grand, plus vivant encore! Souris, je t'en prie, dis-moi quelque chose, je te sens déçue. Dis-moi que tu m'aimes encore et toujours !

Elle n'entendait pas. Elle entendait trop. Elle s'était enfouie dans son trou profond. Elle tremblait de froid, gémissait d'effroi. Tempête, ouragan, vertige, bourrasque, l'amour est ainsi quand il vient tout nu. Elle ne savait pas.